Steinlen
(1859 - 1923) |
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Musée Rath, Genève, du 23 septembre 1999 au 30 janvier 2000 Né à Lausanne en 1859 et mort à Paris en 1923, Théophile Alexandre Steinlen est un créateur aux talents multiples, à la fois peintre, humoriste, illustrateur, caricaturiste. Témoin des plus attentifs de son temps et reporter avant la lettre, Steinlen a largement contribué au style 1900 qu'il illustre par tous les moyens plastiques dont il dispose, dessins, peintures, lithographies, gravures, affiches... Une oeuvre journalistique et plastique
Les innombrables dessins et caricatures qu'il propose aux journaux, notamment au Mirliton, à La Caricature, au Chambard socialiste, au Gil Blas Illustré et à L'Assiette au Beurre, et les nombreuses affiches et lithographies le rendent immédiatement célèbre. L'affiche de La Tournée du Chat Noir ou celle de Gaudeamus qui sont exposées parmi les cent cinquante oeuvres de La Sécession Berlinoise à laquelle il prend part en 1903, ainsi que ses talents de peintre et de sculpteur animalier - ses fameux Chats - le confirment comme l'un des représentants de l'Art Nouveau. Steinlen,
un artiste engagé Il poursuit cette prise de position en illustrant des livres à grand tirage, souvent diffusés tout d'abord en feuilletons : Paris d'Emile Zola, L'Affaire Crainquebille d'Anatole France, Les Gueules noires d'Emile Morel ou La Chanson des Gueux de Jean Richepin. Enfin, il sera l'un des plus actifs à témoigner de la tragédie de la Première Guerre mondiale, en se rendant directement au front. Le style et le trait de Steinlen Tel
un reporter, Steinlen réagit sur l'événement qui
entraîne sa main, la pousse au trait. A partir de deux ou trois
personnages, d'un rassemblement, d'un mouvement de foule, d'un fait divers
ou d'un épisode populaire, l'artiste figure la morale
de l'histoire de son temps. La ligne est toujours prompte et résolue
à saisir l'ordinaire de la vie. Prélevés
dans la réalité, notés sur le champ ou reconstitués
de mémoire, les dessins de Steinlen sont restitués pour
l'exemple comme pour inciter à une prise de conscience ou à
une information objective. Pour Steinlen, il s'agit avant tout de convaincre
par le trait le plus court et le plus juste, de s'attacher moins à
la précision du détail qu'à la fugacité de
l'expression et au pathétique d'une situation.
L'esprit de l'époque et la situation géographique concentrée à Montmartre de tous les artistes impliquent des filiations clairement exprimées dans l'exposition présentée au Musée Rath, notamment celle de Steinlen et de Picasso.
L'exposition
Steinlen au Musée Rath de Genève L'exposition replace Steinlen dans son contexte historique, notamment avec des bandes d'actualités cinématographiques (Gaumont) de l'époque. Contexte qui est également à mettre en parallèle avec notre fin de siècle, en particulier en évoquant l'esprit dénonciateur et grinçant des artistes d'aujourd'hui. Un
parcours initiatique Attiré par les sciences et les arts, Steinlen étudie à la Faculté des Lettres de Lausanne. Il découvre Zola avec la lecture de L'Assomoir. François Bocion (1828-1890), ancien élève de Gottlieb, va conseiller Steinlen et discerner chez lui un dessin solidement agressif. 1879 Son oncle Vincent de Mulhouse lui propose de devenir créateur de motifs pour tissus. Steinlen va travailler 2 ans chez Schonaupt qui fabrique de la cretonne imprimée et de l'indienne. 1881 Steinlen arrive à Paris avec une lettre de recommandation pour Petit Demange, créateur de tissus et une autre pour Chardigny, peintre de natures mortes à Montmartre. Il laisse Emilie Mey à Mulhouse qui le rejoindra et qu'il épousera. De leur union naîtra une fille, Colette, qui deviendra modèle. Steinlen s'installe à Montmartre, celui des cabarets, guinguettes, cafés-concerts, brasseries, salles de danse et petits théâtres. Paris est un mélange d'histrions, de saltimbanques, de baladins, de comédiens authentiques et vrais. A cette époque Paris est aussi un chantier gigantesque : nouveaux monuments, préparation de la future Exposition Universelle de 1889. Paris est couvert d'affiches qui crèvent murs et palissades : Daumier et Manet s'y essaient mais surtout Chéret. C'est à cette époque que le docteur Willette lui présente son frère Adolphe qui se complet dans la représentation du Pierrot triste sur les murs du Chat Noir. Steinlen fréquente des clubs et des cercles très hétéroclites : Les Hydropathes avec Emile Goudeau, Les Incohérents, Les Zutistes, Les Fumistes, Les Jemenfoutistes, Les Hirsutes. Il commence à dessiner des chats et des Pierrot et se lie d'amitié avec Alphonse Allais : l'un donne des textes, l'autre des dessins. Ils parlent tous deux d'une vie parisienne avant la crise industrielle de 1883. Steinlen se passionne de plus en plus pour les discussions politiques enflammées du Chat Noir et sympathise pour deux figures de la Commune, Louise Michel la vierge rouge et Louis Rossel venu se ranger sous le drapeau des ouvriers de Paris. 1885 Steinlen réalise sa première affiche, une lithographie en couleur de taille modeste qui vente les mérites de l'hôtel de Paris à Trouville-sur-Mer. Il apparaît alors avec Chéret, Lautrec et Mucha comme un maître de l'affiche. Emile Zola lui commande l'affiche Paris en 1887. Octave Mirbeau, Georges Courteline (illustration de Les femmes d'amis en 1894) et surtout Anatole France (illustration de L'affaire Crainquebille en 1901 : 63 planches), de vrais amis font appel à son talent d'illustrateur. D'autres illustrations suivront : La Chanson des Gueux de Jean Richepin en 1875, des Soliloques du Pauvre de Jean Rictus en 1897, des Pauvres Gens de Victor Hugo pour une nouvelle édition, La Maternelle de Léon Frapié en 1904, et des Gueules Noires d'Emile Morel. Steinlen fréquente peu de peintres, seuls Luce, Vallotton et Toulouse-Lautrec. Il est plus proche des caricaturistes : Léandre, le maître du portrait, Forain, auteur des Croquis Parisiens, satiriste féroce et Caran d'Ache. Les chansonniers qu'il rencontre dans les cabarets vont aussi influencer ses oeuvres, comme Paul Delmet dont il illustre en 1899 Les Chansons de Montmartre et Les Chansons du Quartier Latin, Jules Jouy qui créa La Soularde pour Yvette Guibert, Bruant qu'il rencontre dès 1884 et dont il illustre ses recueils de chansons Dans la rue en 1889 et Dans la vie en 1901. Dans les milieux anarchistes il connaît Paul Adam, Lucien Descaves, Jean Grave, Octave Mirbeau, Gustave Kahn et collabore aux journaux Le Libertaire, La Révolte, Les Temps Nouveaux ou L'Anarchie. L'occasion pour lui de rencontrer les peintres sympathisants aux mouvements : Pissaro, Luce, Van Dongen, Signac. Cependant, Steinlen ne s'engage pas pleinement. Il préfère rester un témoin des événements en se trouvant à la sortie des usines, en visitant des prisons de femmes, en montant au front ou en pénétrant dans les profondeurs des mines. 1910-1911 Deux années où il prend parti pour l'écrivain russe Ossip Minor, se révolte contre les intellectuels libéraux du Japon, se démène pour que Gorki puisse venir en France soigner sa tuberculose. De 1882 à 1890, Steinlen collabore au Chat Noir et de 1885 à 1896 au Mirliton. Il donne 400 dessins au Gil Blas et au Gil Blas Illustré, 703 dessins pour les numéros réalisés avec Maupassant, Bruant, Courteline, Daudet, Richepin et Zola.
Au
Musée Rath Conférences les mercredis soir en septembre, octobre et novembre qui prolongeront la thématique de l'exposition Steinlen : engagement de l'artiste et de ses contemporains à la fin du XIXe - début du XXe siècle. Ce cycle de conférences sera donné dans l'enceinte de l'exposition par des artistes contemporains (Muntadas, Casa Factory , Thomas Hirschhorn, Relax). Table ronde à la fin de l'exposition (29 janvier) sur le sens de l'engagement aujourd'hui avec la participation d'artistes et acteurs de l'art contemporain (directeurs d'institutions). 1900
- 2000, Figures de l'engagement au tournant d'un siècle |